
Une robe à plumes et un slip imprimé petites voitures
Un jour j’ai confié ici que Paco mettait des robes. Un article écrit à tâtons, en sachant ce que l’on défendait sans trop avoir ce que ça donnerait. Et ça finissait sur les premières réactions du premier jour où il a porté une robe hors de la maison.
Alors je me suis dit que je vous devais une suite à cette histoire. Je reviens donc maintenant avec quelques mois de recul, beaucoup de journées en robe à la crèche, et une poignée de rencontres à se faire complimenter sur les belles petites filles que l’on a là.
Et le bilan c’est que les plus coincés, c’est peut-être nous.
Du côté des copains.
Du côté des copains de crèche (la « crèche » allant ici jusqu’à six ans), il s’est passé un truc super positif. Bien que ça ne soit pas forcément le sujet du bac à sable, mon fils en robe fait son petit effet dans la tête de ses copains de gateau au chocolat que l’on mange pour du faux.
J’ai ainsi appris d’une autre maman que son fils et trois autres copains avaient commenté à la maison le fait que Paco mettait des robes. Apparemment, la discussion surprise aurait pris à peu près cette tournure-là :
– « Ben franchement, chacun met ce qu’il veut. Et s’il se sent bien robe, il faut qu’il mette des robes ! »
– « Ouais ! »
– « Ouais ! »
– « Ouais ! »
Dans le genre leçon sur le respect de l’autre et l’acceptation des différences (et même si c’était pas le but de notre démarche, que l’on s’entende), je ne sais pas si on fait beaucoup mieux.
Et puis il y a ces autres parents, qui nous relatent de manière isolée, l’histoire du jour où leur fils est rentré à la maison en demandant à porter une robes, parce que, ben, comme Paco, quoi.
Et je sais pas toi, mais moi je vois ça comme une petite victoire, comme si son attitude pouvait permettre à d’autres enfants de se libérer des stéréotypes du genre, de réclamer un peu de douceur rose et cotonnée dans leur armoire de mini-super-héros, et que de boule de neige en papillon, l’effet fil en aiguille transforme tous les rase-moquettes de la planète en personnes hautement respectueuses et égalitaires.
Je sais pas, une vision comme ça,
Du côté des étrangers dans la rue.
Encore une fois, j’ai quelques – surtout le premières – fois eu du mal à reprendre les gens dans la rue qui admiraient nos « si jolies petites filles ».
Pas envie de voir leur sourire bienveillant se transformer en grimace de jugement, pas envie de rentrer dans un débat sur les raisons qui font que notre fils se promène en robe ce matin-là, pas envie non plus de les laisser rentrer chez eux en pensant qu’ils ont croisé une folle dans la rue qui habille son fils comme une petite fille.
Alors je me suis lancée, tout d’abord un peu gênée. Je répondais simplement qu’en fait c’était un garçon. Parfois, que c’était un garçon qui aimait porter des robes. Et je regardais la personne très fixement dans les yeux, comme peut-être pour la supplier silencieusement de ne pas rire. Parce que je ne voulais pas que l’on rie de(vant) mon fils, je ne voulais qu’il devienne à son insu le protagoniste d’une blague drôle dans une autre génération.
Mais ce jour est arrivé. Un jour quelqu’un a ri. Alors je l’ai regardé encore plus fixement, encore plus sérieusement, je n’ai pas ri avec lui. Ma supplication silencieuse s’est transformé en défiance silencieuse. Et je l’ai vu s’arrêter de rire pour se mettre à penser. Au bout de quelques secondes, il s’est retourné et m’a dit très sincèrement : « Oh punaise, mais c’est génial en fait. » Et j’ai vu son étonnement se transformer en admiration.
Et en réalité j’ai adoré que Paco ait vu ça aussi, j’ai adoré qu’il ait vécu ça. J’ai adoré qu’il ait pu sentir que certaines choses qui ne sont pas communément acceptées ne sont pas forcément de mauvaises choses, et que du haut de ses trois ans et demi, ses actes singuliers puissent être source d’inspiration plutôt que de répression.
Et puis il y a ces rencontres inattendues, comme cette personne qui en découvrant notre démarche m’a confié combien assumer son orientation sexuelle avait été éprouvant, et comment il aurait aimé que ses parents eurent été enclins à le voir porter des robe à l’âge de Paco. Il y a comme ça des échanges qui valent toutes les sales gueules du monde.
Et puis il y a nous.
Il y a nous, parents, famille, proches. Parfois je me dis que le plus grand problème que notre fils qui aime porter des robes ait, c’est nous. Nous qui voulons le protéger, nous qui voulons tout au fond – et même si plus au fond encore on sait que ce n’est pas ce qui fera de lui quelqu’un de bien –, que sa vie ne soit que légèreté et facilité.
Il y a moi, qui suis capable d’écrire tout ça, mais qui trouve qu’il faudrait quand même qu’il mette un short aujourd’hui.
Il y a lui, qui approuve 100% du texte ci-dessus mais trouve 100% des robes trop « fille ».
Il y a nous, qui prônons la diversité, mais souhaitons pour nos êtres les plus chers la normalité.
[ Photos trouvés sur Google images en tapant « Man skirt ». Sauf pour la deuxième photo de la première ligne ; pour celle-là, j’ai tapé « Seu Jorge skirt » <3 ]
Alors qu’un homme en robe, c’est plutôt beau, non ?
Lily 15 Jan 2018 - 5:51
Et c’est pour ça, je ne pense pas que vous soyez si coincés que ça, à mon sens vous avez, dès son plus jeune âge, offert à votre fils un environnement et un regard sur le monde si sereins par rapport à ces question qu’il a pu se permettre de formuler une telle demande…
Il y a quelques temps, je ne sais plus d’où c’est parti, mais mon fils de 3 ans m’a dit que les hommes ne portaient pas de jupe. Je lui ai affirmé que si, et j’ai fini par sortir des photos de son père, en kilt, d’une part, et au carnaval de Dunkerque (où les hommes s’habillent en femme), d’autre part. Soufflé, le gamin 😉 Ça reste des contextes particuliers, et pas du « quotidien », mais j’espère que l’idée pourra faire son petit chemin…
Joana 16 Jan 2018 - 12:08
Nalaya 15 Jan 2018 - 9:58
Joana 16 Jan 2018 - 12:06
Mais si c’était juste pour dire qu’on se met des barrières et qu’on se prend la tête pour rien, on est d’accord ! 😉
Fernanda H. 17 Jan 2018 - 4:47
Vraiment, Paco, Joanna et Marcio, chapeau. Vous êtes de ces « parents de garçon » qui aident à faire un monde plus libre et égal pour nos filles. Vous aidez à changer les regards des gens. Et a minima, vous faites réfléchir, c’est déjà pas mal!
Joana 18 Jan 2018 - 8:31
Poupette 25 Fév 2018 - 9:42